Suite à l’appel à projets pour le pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle de Dubaï en 2020, 19 projets ont été soumis. Si Metaform a remporté la consultation en collaboration avec The Space Factory, 18 autres candidats avaient également proposé un projet qu’Archiduc.lu vous présente dans cette série. Aujourd’hui, le projet mené par Architectes Paczowski et Fritsch en collaboration avec Maïté Lemogne pour la scénographie.
Pouvez-vous nous expliquer le concept de votre projet pour le pavillon luxembourgeois à Dubaï ?
L’idée de départ était d’imaginer un lieu, qui naturellement attire les visiteurs par un aspect extérieur compact et dense, esthétique et d’apparence pure, voire mystérieux, et dont toute la richesse se déploie une fois franchi le seuil de l’entrée, tel une forteresse ou un muret qui abriterait un jardin d’Eden verdoyant.
Au centre du pavillon, une place centrale qui symbolise la position stratégique que le Luxembourg représente au cœur de la Grande-Région, voire au centre de l’Europe. Il est à préciser que l’emploi du qualificatif indéfini « A » ne tient pas du hasard et a pour ambition de souligner une certaine humilité devant le visiteur et une volonté d’ouverture laissant présager qu’il y a d’autres « forêts » à découvrir ailleurs. Par ailleurs, un rating A, souligne la volonté de créer un endroit qui laisse une empreinte énergétique minime.
A leur arrivée, les visiteurs découvrent ce qui pourrait être comparé une maison arabisante tel un Ryad émergeant comme par enchantement au milieu d’une forêt, symbolisée par des pylônes en bois issu de pépinières écoresponsable, pour donner un aspect organique. Cet « écrin », à la fois sobre et élégant est composé par quatre façades visibles depuis les rues publiques est pourvu d’une peau supplémentaire, sorte de moucharabieh métallique ciselé, sur base des motifs inspirés de la signature du nation branding, « Let’s make it happen », créant ainsi un lien entre l’Occident et l’Orient et servant de support multimédia, par le biais de leds incrustés dans les éléments métalliques recyclables, qui sublimeront le pavillon à la nuit tombée.
Une fois l’entrée franchie, le visiteur découvre un endroit plein de vie dont le point d’intersection est constitué par une cour centrale, un patio, qui distribue les visiteurs vers des lieux multifonctionnels, telle une invitation à la découverte du charme du Luxembourg. Symbole national des Emirats Arabes Unis, un somptueux Prosopis cineraria, natif notamment des parties arides du Moyen Orient et donc peu friand d’eau, appelé aussi « Tree of Life » ou Arbre de Vie, orne cette cour et permet à la fois de jeter une ombre salvatrice et de purifier l’air et de renforcer le trait d’union entre le pays hôte et le pays invité.
Si les arbres étaient jadis considérés comme étant le « centre du monde », cet arbre majestueux qui s’élève vers le ciel, traverse « les trois mondes » à savoir le souterrain avec les racines, la surface de la terre avec le tronc et le ciel avec les branches et les feuilles, symbolisant les objectifs ambitionnés par la démonstration des ressources disponibles au Luxembourg. La protection solaire de la cour est réalisée par une maille métallique du même type que la façade, tendue sur des câbles à différents niveaux.
Des projections retransmis en temps réel depuis le Luxembourg diffusant des images symbolisant des lieux mythiques pour le Luxembourg comme par exemple le Müllerthal, la Place de l’Europe, le Palais Grand-Ducal... via des procédés interactifs, plongent le visiteur dans un univers surprenant et donnent un premier aperçu des facettes souvent méconnues du Luxembourg. Il sera ainsi amené à découvrir des paysages féériques, le rôle politique non négligeable que jour le Luxembourg comme membre fondateur de l’Europe, le seul Grand-Duché au Monde démontrant par la même la pérennité et la stabilité une monarchie. A l’inverse, des images en direct du Pavillon (ou de Dubaï) sont projetées dans ces mêmes lieux au Grand-Duché.
Les parties fonctionnelles du pavillon s’articulent en trois parties, sans portes, favorisant ainsi une circulation naturelle des visiteurs, qui vus du ciel rappellent les panneaux d’un satellite avec en image de fond … une forêt. Chacun des trois « panneaux » regroupe un univers bien spécifique.
Le premier espace comprend l’exposition permanente, une salle polyvalente circulaire donnant sur la place, un walk-through shop et un bar, ainsi que des espaces de rangement. Le second espace comprend le restaurant principal et un espace show-cooking pour un service rapide de style take away, ouvert sur la cour. Des locaux techniques et des sanitaires ainsi qu’un espace de stockage et accessible au moment des livraisons des marchandises complète cette partie. Enfin, la troisième partie regroupant les bureaux, le salon VIP accessible par une entrée séparée et muni de sanitaires privés complète le pavillon.
Au fond de la cour, entre les espaces 1 et 2, le visiteur découvre une autre partie de la forêt, formée d’arbres géants offrant des informations sur le Luxembourg. Les «arbres » des deux forêts, mis à part les éléments structurels en acier, ainsi que le mobilier scénographique de la salle d’exposition sont réalisés en bois issu de pépinières écoresponsables.
Le pavillon est volontairement construit sur un seul niveau mais peut atteindre 3 étages une fois démonté et remonté de retour au Luxembourg. Par ailleurs, il n’y a pas d’ascenseurs évitant ainsi une perte d’énergie conséquente et facilitant la circulation aux personnes à mobilité réduite.
Quelle est la caractéristique principale de votre scénographie ?
Un des endroits le plus visité et apprécié de notre pays est le Mullerthal. Il accueille de nombreux visiteurs locaux et étrangers offrant une plus-value au pays et permet un parfait équilibre dans le ‘work life balance’. Au Luxembourg les opportunités de déclencher des innovations, de soutenir l’expansion coexistent avec une certaine tranquillité, le retrait qui permet de se ressourcer, ce qui engendre une qualité de vie unique. L’arbre, avec ses branches en continuelle expansion, son tronc fiable et ses racines qui offrent la stabilité semble un parfait symbole. Que ce soit par l’échelle, par les sensations, par l’ombre et la lumière ou par l’espace, un seul protagoniste réussi à emmener le visiteur dans une aventure architecturale et spatiale, qui se construit sur une séquence d’espaces et d’atmosphères qui, tous, d’un ton poétique et feutré, communique le message d’un pays en mouvement.
En quoi votre projet répond-il à la question de l’économie circulaire ?
La conception du pavillon est issue d’une réflexion sur la durabilité aussi bien au sens sociétal, écologique et fonctionnel en vue de son éventuelle reconversion future. Pour atteindre ces objectifs, nous avons opté pour un pavillon de plein pied, facilement accessible par tous et conçu uniquement avec des matériaux préfabriqués, réutilisables ou recyclables, répondant ainsi parfaitement aux principes du cradle to cradle et de l’économie circulaire.
Une fois la thématique trouvée il était important de faire cohabiter le concept avec la préservation de l’environnement. La conception et l’utilisation des techniques obéit également à ces principes en proposant l’utilisation d’énergies renouvelables, la mise en place de systèmes peu gourmands en ressources naturelles et par des principes innovants de ventilation ne nécessitant pas de gainages et la récupération de l’humidité ambiante pour alimenter les toilettes et les cuisines par exemple.
Tous les éléments constitutifs, structure portante et non portante, peaux externes et internes obéissent à une modulation stricte, facilitant la préfabrication, le démantèlement et la reconversion. Les éléments porteurs sont en acier sur base d’une trame de 2,40 m, garantissant des acheminements et des montages simples, ainsi qu’une réutilisation ou un recyclage total.
Les murs du pavillon sont composés de panneaux sandwich préfabriqués, avec une structure en bois et une isolation en laine de bois. Ces éléments peuvent être facilement réutilisés pour construire des maisons par exemple. La peau intérieure est constituée par des panneaux préfabriqués en argile crue, ce qui assure sa réutilisation par simple adjonction d’eau. Matière isolante, l’argile permet également le rayonnement de la chaleur, régulant 50% de l’humilité de l’air, inodore et sans impact négatif sur la santé ou sur l’environnement. Tous les sols sont traités soit en bois, soit en pierre naturelle, répondant là aussi aux critères de réutilisation et de recyclage. La peau extérieure se compose d’éléments préfabriqués, emboitables en terre cuite, pleins ou pourvus d’un moucharabieh devant les parties vitrées limitées en nombre. Ces éléments peuvent être recyclés pour une autre façade ou sous forme de concassé pour diverses utilisations.
Fiche technique
Titre du projet : A Forest
Architecte : Architectes Paczowski et Fritsch
Scénographe : Maïté Lemogne
Ingénieurs : Jean Schmit Engineering
Surface envisagée : 3665 m2
Budget estimé : 4.700.000€